Zinneke Parade
Bruxelles rendue à ses habitants retrouve le
plaisir de rire, de respirer,
de dialoguer
Et le soleil fut...
Samedi après-midi, la deuxième Zinneke
parade a, une nouvelle fois, rameuté les foules
tout le long des boulevards centraux de la capitale.
Un réel succès malgré quelques
longueurs.
Midi sur le boulevard du même nom. Partout, les
zinnekes affluent, les groupes se forment, s'échauffent.
A quelques dizaines de mètres de là, la
ville semble plus calme que jamais. Comme en suspension.
Une heure plus tard, la parade s'ébranle et pénètre
sur le boulevard Lemonnier devant une foule encore clairsemée.
Petite inquiétude du côté des premiers
participants. Pourtant, comme si la Parade elle-même
les générait, les spectateurs se font
de plus en plus nombreux dès que l'on approche
des places principales : Anneessens, Fontainas... La
foule est bien présente. Devant la Bourse, certains
attendent depuis le matin pour être sûr
d'avoir une bonne place sur les gradins.
La foule ne cesse d'affluer par les petites rues perpendiculaires.
Mélangée, métissée, joyeuse,
colorée comme la parade. On rigole, on discute,
on échange ses impressions avec des inconnus
qu'habituellement on croise sans même les regarder.
Le ciel reste menaçant ? Peu importe ! Le soleil
est descendu au cœur de la parade pour réchauffer
les cœurs.
Au 3e étage de l'ancienne tour Philips, les invités
de la Ville de Bruxelles découvrent la parade
depuis la terrasse. A droite, l'enfilade des boulevards,
noirs de monde, se peint de taches de couleurs, celles
des zinnekes qui progressent lentement depuis le quartier
du Midi. Au Nord, le fantôme de la tour Rogier
plane encore.
Sur la place de Brouckère, La foule est de plus
en plus dense. Les enfants passent les barrières
Nadar pour s'asseoir à même le bitume habituellement
confisqué par les autos. Les policiers, peu nombreux,
ont davantage l'air paisible de l'agent 15 que l'aspect
redoutable des Robocops.
14 h 40. Sur le boulevard Jacqmain, pas un chat. La
parade fait du surplace Place de Brouckère. Soudain,
les percussions marquent le rythme. Les diabolos s'envolent
dans le ciel aux nuages menaçants, déclenchant
les applaudissements. Des créatures surréalistes,
sorties tout droit d'un tableau de Jérôme
Bosch, succèdent aux chants bigarrés des
mamas africaines. Les Jardins Mobiles verdissent le
gris du macadam. Les insectes biscornus font claquer
leurs mandibules au-dessus de la tête des spectateurs.
Les échassiers avancent comme en apensanteur.
Et une fois de plus, la foule apparaît en même
temps que la parade. Les échafaudages sont pris
d'assaut.
15 h 10. Le premier groupe termine son parcours. Devant
l'Ancienne Belgique, des zinnekes brandissent de petits
cartons : Parlez-vous ! Ecoutez-vous ! Plus qu'un simple
défilé, la Zinneke se veut parade citoyenne.
Plus loin, un char très nature lance aussi ses
slogans : Inspirez ! Expirez ! Et un plus politique
: Air libre pour la Palestine. Bientôt la Love
Factory fait son apparition avec ses anges, ses cœurs,
sa fanfare. A l'autre bout du boulevard, un groupe d'enfants,
dont certains sont encore en poussette, recueille les
vivats de la foule.
16 heures. Sur le boulevard du Midi, ceux qui n'ont
pas encore pris le départ continuent à
faire la fête entre eux : percussions, chants,
danses jusqu'à la porte d'Anderlecht.
16 h 45. Les danseurs de tango argentin arrivent au
bout du parcours et retrouvent sur le boulevard Albert,
comme tous ceux qui en ont terminé. Les pelouses
sont envahies, la musique continue ça et là.
Deux grands bars accueillent les participants fourbus
mais pas pressés de s'en aller.
Sur le parcours, les spectateurs se rapprochent de plus
en plus des zinnekes, écartant les barrières,
s'installant sur le macadam. Des vélos ailés
rencontrent un grand succès. Certains spectateurs,
surtout parmi les plus jeunes, commencent à fatiguer
sérieusement. De trop longs temps morts entre
certains groupes cassent un peu le rythme, donnant parfois
l'impression que tout est terminé. Dommage car
il reste encore de nombreuses découvertes dont
l'ultime groupe retraçant magistralement les
étapes de la vie avec ses veuves enceintes, ses
bébés roses, ses semeurs de mort et sa
fanfare d'accordéons.
18 h 15. La pluie dégringole, éparpillant
une partie des spectateurs. Un groupe de choux verts,
trop heureux d'être arrosés, reprend sans
désemparer sa joyeuse ritournelle.
19 heures. Le tout dernier groupe quitte la place de
Brouckère. Sur ses talons, les voitures de police
avec gyrophare et sirène, signifient un peu brutalement
que la fête est finie. On ramasse les barrières
Nadar dans la seconde qui suit. Sur le boulevard Jacqmain,
la foule a disparu. Les derniers zinnekes n'en ont cure
et terminent leur parcours avec la même ferveur
qu'ils l'ont commencé. Sous les applaudissements
de ceux qui les ont précédés et
suivis par une petite foule d'irréductibles.
A la croisée du boulevard Jacqmain, les policiers
font traverser tout ce petit monde avec bonne humeur.
Cette fois, tout est terminé. Ou presque, les
zinnekes se retrouvant entre eux pour prolonger un peu
la fête.
Entre deux tours du boulevard, deux anges rouges et
blancs, main dans la main, s'éloignent comme
dans un film de Chaplin. Sur les antennes de Télé
Bruxelles, un homme résume : Mieux qu'un discours,
c'est le plus beau message contre le racisme. Tout est
dit.·
MARTINE DUPREZ
© Rossel et Cie SA, Le Soir, Bruxelles, 2002
http://www.lesoir.be
|